Sortir de sa sphère et élever le débat !
La campagne présidentielle touche à sa fin.
Les réseaux sociaux regorgent de messages de propagande, de vindictes, de haine. D’appels à la révolution, à la prise de conscience, à l’abstention… La dramaturgie est toujours plus ou moins la même. Chaque camp pourfend ses adversaires. Chaque militant se persuade de détenir la vérité. Sa vérité. Il victimise, il diabolise. Il (se) ringardise.
Les communautés internet sont formidables en cela qu’elles témoignent de notre appartenance à une sorte de ‘’bien pensance’’. Auto centrée, notre sphère FB nous conforte dans une im-posture, nous confère une légitimité de chiffon. Elle isole plus qu’elle n’ouvre sur le monde extérieur. Notre audience est en vase clos. Seule la provocation nous fait déborder du cadre. Unique canal amplificateur pour faire exister notre goutte d’eau dans l’océan informel des opinions, des faits divers et des analyses à l’emporte pièce…
Existe-t-il un seul type de théâtre ? Poser la question, c’est déjà y répondre.
Alors, pas plus sur scène que sur la toile, les femmes et les hommes de théâtre n’y forgent une communauté de pensée.
Ce monde multiforme, brillant et cabossé est-il aussi éveillé que ne le laissent augurer les chantres de la poésie et des émotions incarnées ? En cette période hystérisée de prises de position politique, la modération et le recul n’y ont malheureusement pas plus gré qu’ailleurs... Ou se terrent donc l’humanisme et la bienveillance au milieu des névroses, de l’égotisme et des affects… ? Ou se cachent les idées progressistes et les hauteurs de vue que la maîtrise du verbe devrait conférer lorsque nous pratiquons à outrance les coups de gueule, les excès et les insultes ?
Artiste, escroc, paumé, chômeur, ouvrier, énarque, banquier, cadre sup’, artisan… Mon adversaire ou mon allié politique reste un homme au sens humain du terme. Il est mon semblable. Au nom de qui ou de quoi devrais-je exiger, derrière mon écran, un unanimisme forcé, une marche en rang serré ?!?
Il y a actuellement dans chaque sphère une dictature de la pensée juste. Cette perversité d’internet et des réseaux sociaux prête plus à sourire qu’autre chose. Car à dénoncer les moutons de panurge, ne devient-on pas soi même une norme, un réflexe dénué de toute réflexion ?!?
Ce qui interpelle vraiment, c’est justement l’incohérence de certains discours.
Quand un artiste milite ouvertement pour une politique plus humaine et écologique, pour un « mieux vivre ensemble », un réajustement dans la répartition des richesses, un mieux disant culturel et social bien sûr, ses injonctions devraient trouver corps et suite dans l’action.
Cette volonté politique ambitieuse appelle un supplément d’âme, une sorte de plus-value, pas un nivellement, ni un abaissement général. Tenir un discours engagé voire même utopiste n’a de sens que si le geste artistique, par essence un acte personnel et singulier, s’inscrit dans ce mouvement.
On ne peut pas prétendre œuvrer à l’élaboration d’un peuple intelligent et instruit et, dans le même temps, lui servir des textes bas et banals, creux, vides de toute émotion autre qu’un rire gras. On ne peut pas reprocher aux gens du peuple de voter comme des cons si on les prend effectivement pour tels !
Oui, sortons de notre sphère et élevons le débat !