"Big brother", maladresses & autres appréciations
La magie du progrès.
Pendant toute mon enfance, ces mots d’alertes auront résonné en mon for intérieur : "Attention, Big brother n’est pas loin" !!! C’est malin de faire peur aux mômes, tiens !
Car nous risquions de subir la dictature du XXI ème siècle. Celle des médias, des images, du contrôle absolu sur nos faits et gestes. La maîtrise totalitaire des hommes par la maîtrise totale de la technologie.
Et c’est vrai que depuis les années 70, très vite sont apparus la télé couleur, canal +. Puis le minitel, le téléphone portable, les ordis. Internet, Facebook… Une accélération folle de la modernité. Génération Big Mac et Big brother, ça fait rêver. Ça laisse rêveur, surtout.
Je ne sais pas si nous y sommes. Snowden est passé par là. Et pourtant…
Plutôt que de dénoncer d’éventuels complots de l’oligarchie en place durant ces temps agités - autre débat - c’est notre propre responsabilité qui m’interpelle.
Qui utilisent le plus les informations à disposition ? Les détournent, les contournent, les enfournent pour mieux les banaliser voire les dévitaliser ? Nous même ! Chacun se raconte, prend la parole, manie l’info comme l’intox, rameute, s’érige… La révolution en marche des réseaux sociaux.
Nous exhibons nos vies. Pas même besoin que les services spéciaux ou de renseignements s’en mêlent, en un clic, ils savent presque tout.
Au-delà, ce sont nos opinions qui trouvent audience également. Pour débattre ? Surtout pas. Non, il s’agit de s’auto convaincre que nous sommes dans le vrai, le juste. L’isolement sans camisole. Derrière la toile, je suis le maître du monde, le Big brother de ma propre sphère. Et je me permets ainsi de juger, d’invectiver, de dénoncer. Chacun devient le policier de sa pensée, de son engagement, de son "politiquement correct". Un entre-soi triste et infécond. Une dictature égotique.
Je n’échappe pas à cette règle, évidemment.
Ce qui est dingue, c’est la manière dont ces réflexes technologiques et virtuels déteignent sur nos comportements humains et réels.
Il y a les mots et le contexte. Mais on ne retient que les mots aujourd’hui. Sans mise en perspective. Et tout devient polémique. Vous ne pouvez plus être maladroit ou excessif, votre interlocuteur ne le tolère plus. Il vous gratifie symboliquement d’un émoticon « Grrr » et vous raye de sa liste des contacts, fermant la porte à toute possibilité de dialogue ou d’explication.
Lors d’une sortie théâtre, cela m’est arrivé très récemment. Avec un prof de philo (ou de français peu importe). Un seul mot de ma part, sorti dans un mauvais timing donc mal venu et plutôt idiot j’avoue, est devenu - de fait - une grave offense à la modestie, à l’intelligence, à la hauteur de vue du Commandeur du soir ; qui m'a gratifié alors d'une posture radicale : écoutilles fermées, dos tourné et mépris total.
Inquiétant sur le fond. Un prof œuvrant sur le verbe et le sens justement, ne devrait-il pas prôner l’ouverture et la finesse d’esprit, le dialogue, la réflexion ? Son jugement à l’emporte pièce traduit le malaise de l’époque. Dans la foule, dans l'intimité ou devant son écran, chacun se croit au dessus de la mêlée, en droit d’arbitrer, de trancher, de statuer sur autrui, sans autre forme de procès. Un mot malheureux et on se voit aussitôt affublé d’une étiquette, d’un code barre. Car bien sûr, nous ne sommes que des numéros, des identités réduites à notre minimum.
Nous sommes tous l’expert en chef de notre propre crétinerie. (Vous avez 3 heures, période de Bac oblige).
Au quotidien, si nous changions les angles de vue, prenions le temps de regarder dans les yeux. Oui, créons, tissons du lien. Véritable, pas virtuel. De nos faiblesses naîtra notre puissance. De nos certitudes naissent nos dérives.
La Tchétchénie et les homosexuels, Daesh et sa guerre insane… voilà où mènent les à-priori et l’idéologie.
"Big brother" ? No Pasaran !
Grégoire Aubert