Des vœux très pieux
"L’idéologie est la logique d’une seule idée".
Voilà, mon souhait serait que nous gardions ces mots de Hannah Arendt à l’esprit, durant toute cette année, et même au-delà.
Cela nous éviterait peut-être d’assister à ce flot de fanges verbales discontinu sur les réseaux sociaux, d’analyses partielles en anathèmes vengeurs, d’insultes, d’appels au meurtre et de certitudes univoques et grossières étalées au grand jour…
Cet esprit d’ouverture et d’échange ainsi réclamé n’est pas aveu de faiblesse.
Quand l’innommable se produit, il est vital de le dénoncer. Pour ce qu’il est. Pas en le travestissant au prisme de nos fantasmes sociétaux, théologiques et mentaux.
Un acte barbare reste de la barbarie. C’est ainsi que des victimes deviennent bourreaux, qu’une protection étatique devient criminelle, qu’une invective devient profession de foi…
Dans un monde idéal, je crois aux vertus de la légitime défense. Sa raison d’être est dans son intitulé. Elle est légitime. Pour le reste…
Installer des barrières architecturales pour empêcher des SDF au cœur de l’hiver de passer une nuit dehors avec un peu de chaleur est aussi abject (en symbolique pure) que de tabasser des flics au sol interdits de ripostes, au risque d'escalade, de la bavure à la possible guerre civile. Laisser crever en mer ou montagnes glaciales des migrants sans chaussures ni familles est aussi inhumain que d’égorger, d’exciser ou de marier de force des jeunes filles en quête de vie et de liberté. Provoquer des autodafés gratuits de voitures en plongeant un peu plus leurs pauvres proprios dans la même misère que la notre est une révolte aussi bêtement haineuse que de dénoncer un ancien racisme post colonial par un racisme contemporain anti blanc et antisémite. Harceler, violer par abus de force et de pouvoir est aussi minable et indigne que de draguer le peuple par les bas-fonds d’un divertissement tournant à vide, amputé du minimum d’élévations et de grâce que l’art requiert.
Rien ne se vaut. Tout a une équivalence.
Nous vivons dans le monde de l'agitation, de l'émotion et de la punch-line. Temps courts.
Pas dans celui de l’analyse et de la contre argumentation. Temps longs.
Ainsi, la violence de l’état existe. Elle a toujours existé. On se doit de la combattre ou de l’atténuer. Des lois mauvaises ou mal appliquées sont légions courantes (et pas d‘honneur, la légion). C’est le principe même de la loi. D’être la plus générale possible. Les cas particuliers sont les exceptions ou les parfaits contre-exemples confirmant la règle.
Pour autant… Caricaturer le pouvoir en place afin de le dévaloriser, l’affaiblir voire le dénaturer est aussi dangereux que de lui accorder les pleins pouvoirs avec blanc-seing. Cela s’appelle du populisme et de la manipulation.
Il est si facile d’accuser tous les non musulmans d’islamophobes et les musulmans de terroristes, de traiter l’état de dictature, les blancs de salauds de descendants de colons, les banlieusards des cités de racailles, les indécis de fachos, les Macron / LePen de blanc bonnet et bonnet blanc, les politiques de vendus ou corrompus, les intermittents de parasites, les vieux producteurs ciné de violeurs et les jeunes actrices de victimes écervelées, les palestiniens de martyrs et les israéliens de criminels tendance nazis (un comble)… Bref de toujours classifier, réduire, nuire. Simplifier.
Et si la vérité du terrain, lorsqu’on se retrouve au niveau du cœur humain, était un peu plus complexe et mesurée que ces prises de positions radicales et idéologiques ?
Un adversaire devrait rester un contradicteur et non incarner l’ennemi à abattre. Demandez à Finkielkraut ce qu’il en coûte de débattre avec des personnes incapables de réfléchir, juste aptes à asséner ou tronquer.
C’est sur la durée que l’on peut juger de la justesse et de la justice. Demandez à Hollande et Sarkozy ce qu’ils en pensent, eux qui n’ont pas été réélus.
Perso, je continuerai la provocation. Celle qui va éventuellement à contre-sens de la pensée dominante. Celle qui provoque précisément une réflexion, un débat. Celle qui s’offusque des violences, des maltraitances, des crimes. Du harcèlement, de la médiocrité (sauf la mienne, il va de soi). De la déshumanisation du monde telle qu’on nous le montre, tel qu’on veut nous le décrire…
La beauté est là, pourtant. A portée de main et de regard.
Que 2018 soit un grand huit émotionnel !
Grégoire Aubert